Interview de Jacques-François Marchandise par Digital Wallonia
Fin août, Digital Wallonia organisait leur seconde université d’été des Digital Wallonia Champions, avec pour objectif de définir avec eux le modèle de société digitale pour la Wallonie. La Fing et Vraiment Vraiment ont co-organisé la journée avec l’Agence du Numérique (wallonne).
Retrouvez ci-dessous le texte complet de la 2e tribune publiée dans Le Monde, par un collectif d’ONG (dont la Fing, dans le cadre du projet #RESET) et de syndicats, appelant à mettre la transformation numérique au service du « pacte social et écologique » présenté par Laurent Berger et Nicolas Hulot et lui-même signé par dix-neuf organisations, ONG et syndicats.
Le 19 juin dernier était organisée notre Assemblée générale. A cette occasion, après avoir présenté le rapport moral et le bilan et compte de résultat 2018 certifiés (les slides présentées lors de l’AG sont également consultables ici), les adhérents de la Fing ont procédé à l’élection des administrateurs et administratrices du Conseil d’administration de la Fing.
Depuis le début de l’année, suite à la publication de la tribune rassemblant plus de 1200 signataires, l’initiative collective #Reset a suscité l’intérêt et l’adhésion de nombreux acteurs, au gré d’échanges, de contributions en ligne, d’événements et d’ateliers prospectifs, notamment les 3, 4 et 5 avril. Ensemble nous avons commencé à décrire des intentions, à identifier des pistes d’action, à qualifier des leviers de transformation. En juin, nous vous proposons 2 évènements pour construire ensemble la suite du programme #Reset.
Dans le cadre du programme #RESET, nous posons la question de réussir à avoir un numérique qui ne propose pas du plus, mais du mieux et notamment un numérique qui permette de mieux partager la valeur produite, mais aussi qui permette de mieux respecter les droits des individus. C’est pourquoi nous nous sommes associés à l’initiative de ces experts du travail et/ou des mutations numériques qui appellent à l’instauration d’un véritable dialogue social entre plateformes et travailleurs des plateformes : Mathias Dufour, président de #Leplusimportant, Odile Chagny, co-animatrice du réseau Sharers & Workers, Jérôme Giusti, co-Directeur de l’observatoire Justice au sein de la Fondation Jean Jaurès et avocat associé de Metalaw, Jérémie Giniaux-Kats, avocat associé également chez Metalaw, ainsi que Bernard Soulez, Délégué général d’Acadi.
Début avril, 3 ateliers contributifs #RESET étaient organisés : un à Cap Digital avec la communauté Fing et des signataires de la tribune, un au CRI avec des étudiants, et le dernier à TheCamp avec les 1ers signataires de la tribune. Merci encore à ces 3 lieux de nous avoir accueilli dans de si bonnes conditions !
Six thématiques ont été traités : un numérique capacitant, un numérique innovant, un numérique protecteur, un numérique frugal, un numérique non-discriminant et un numérique démocratique.
RESET est loin d’être fini : nous allons réunir et travailler toute la matière produite pendant ces 3 jours pour produire un cahier d’enjeux, mais aussi d’actions et d’engagements. Nous publierons un ligne une partie du contenu pour vous permettre de l’enrichir avant publication finale.
Vous pouvez d’ores et déjà lire le compte-rendu de 3 participants en cliquant sur ce lien et continuer de contribuer en ligne sur notre forum.
La réflexion « RESET-Réinventer le numérique », porté par la Fing, a été amorcé par une tribune publiée dans Le Monde du 26 janvier 2019 et signée par près de 1200 acteurs du numérique à ce jour. Nous allons poursuivre les réflexions engagées en organisant 3 sessions d’ateliers :
– le 3 avril, de 9h à 18h à Cap Digital, nous rassemblons une centaine de personnes, lors d’une journée de prospective créative, pour imaginer le numérique que nous voulons, décrire ce qui doit changer, les écueils à surmonter, les chantiers concrets, … ;
– le 4 avril, de 13h30 au CRI, nous allons proposer à des étudiants et jeunes professionnels de tous les horizons d’avoir leur propre espace de réflexion et d’élaboration pour contribuer à imaginer un numérique souhaitable pour les générations futures ; cet atelier sera suivi par une conférence de Flore Vasseur « Quel est le prix à payer pour une idée ? » (où il sera notamment question d’Aaron Swartz) ;
– le 5 avril, de 14h à 18h à TheCamp, nous rassemblons une quarantaine d’acteurs, signataires de la tribune, qui sont en position de faire des choix, d’avoir un impact significatif : acteurs publics nationaux et territoriaux, entreprises du numérique, grands employeurs, investisseurs, régulateurs, responsables politiques, associatifs, syndicaux, responsables de l’enseignement supérieur et de la recherche, …
Dans le cadre d’une saisine sur le sujet « Pour une politique de souveraineté européenne du numérique« , le Conseil Économique Social et Environnemental (CESE) a auditionné Philippe Lemoine, le président de la Fing. Il y aborde la notion de bien commun de l’Internet, notion sur laquelle l’Europe devrait miser, à l’opposé de la logique étatique et de surveillance de l’Internet chinois ou de la logique marché de l’Internet américain dominé par les GAFA. Il rappelle la promesse d’un internet pair-à-pair, décentralisé, qui nécessite des standards favorisant la transparence, l’interopérabilité, les circuits courts, de nouvelles façons de s’organiser. D’autres personnes saisies par le CESE évoquent également la décentralisation, comme Arthur Messaud de La Quadrature du Net, qui estime que c’est une alternative parfaite aux GAFAM, bien meilleure que l’idée d’un GAFAM européen, mais qui nécessite de lever les obligations juridiques qui pèsent sur les petites plateformes et les petits hébergeurs.
Enfin, à la question « dans quelles technologies alternatives l’UE doit elle investir pour sortir de cette situation de dépendance ? », Philippe Lemoine cite le prolongement du RGPD pour une philosophie du « privacy by design » ; sur le modèle par exemple du projet de Tim-Berners Lee, Solid, dans lequel les données restent aux mains des personnes qui les ont produites et ne circulent dans les API que le temps de leur utilisation, un projet très Self Data, ou encore de la blockchain.
Sur le sujet de la blockchain, buzzword mis à toutes les sauces, certains technophiles enthousiastes pensent qu’elle peut en effet être à la base d’un nouvel internet, un internet distribué, qui serait « plus résilient aux attaques DOS, à la censure et même aux catastrophes naturelles ». Cela pourrait même aller plus loin avec 1es téléphone blockchain : le Galaxy S10 de Samsung inclura un système de stockage sécurisé pour les clés privées de crypto-monnaie. Il est également questions de « dapps », pour « decentralized applications », des applications mobiles fonctionnant sur les réseaux publics, en pair-à-pair, au lieu des serveurs privés des grandes entreprises technologiques.
Hubert Guillaud évoquait déjà en septembre 2018 le « dWeb » (decentralized web), les « dapps », la blockchain, leurs promesses (reprendre le pouvoir sur les grands réseaux sociaux, prendre part à la gouvernance des services utilisés, distribuer l’autorité) dans un article intitulé « dWeb : vers un web (à nouveau) décentralisé ?« .
Il se faisait aussi l’écho des problèmes de la décentralisation évoqués par différents acteurs :
Tom Simonite pour Wired qui « soulignait que le web décentralisé et ses premières applications peinaient à concurrencer l’internet centralisé des plateformes. Cet espace ressemble plutôt à une niche de geeks, à l’image des vidéos que l’on trouve sur DTube. La contestation de la centralisation ne suffira pas à faire décoller ce nouvel attrait pour la décentralisation » ;
Primavera De Filippi (@yaoeo) et Aaron Wright, auteurs de Blockchain and the law estiment que « le web décentralisé pose également des défis juridiques et de gouvernance : qui est responsable des problèmes quand tout est décentralisé ? »;
David Rosenthal, spécialiste des questions de conservation numérique de contenus, pense que « ces projets doivent affronter 4 problèmes : un modèle d’affaire soutenable, la problématique du monopole, l’application phare et plus encore, la question de comment supprimer des contenus quand ces systèmes, par nature, n’oublient rien. »
Le nouvel internet pourra-t-il être décentralisé et accessible pour tout le monde, même pour les non geeks ? Si les promesses sont tentantes, la réalisation semble compliquée. La poursuite de ce débat peut se poursuivre sur le forum de la Fing ou lors des ateliers du 3 et 4 avril.
Le monde du développement web s’intéresse de plus en plus à la question de la soutenabilité de leur travail, non pas seulement pour des raisons écologiques, mais aussi pour des raisons de performance et d’expérience utilisateur.
Cet article reprend et développe les idées du défi n°13 “Relier numérique et low-tech” de l’Agenda pour un futur numérique et écologique, publié prochainement par la Fing, et largement rédigé par Renaud Francou, dans le cadre de son programme Transitions² .
Les solutions techniques low-tech (ou basse technologie) se sont développées en opposition aux solutions high-tech (ou technologie de pointe) dès les années 70 dans une optique écologique et éconologique (c’est-à-dire à la fois soucieuse de l’environnement et rentable économiquement). L’objectif était alors de proposer des solutions durables, moins gourmandes en énergie et en matériaux, possiblement réparables, réutilisables et/ou recyclables, mais également de travailler sur la baisse de la demande. Plus récemment, dans son ouvrage “L’âge des low-tech : vers une civilisation techniquement soutenable” publié en 2014, l’ingénieur Philippe Bihouix a listé les 7 principes des basses technologies : 1) remettre en cause les besoins ; 2) concevoir et produire vraiment durable ; 3) orienter le savoir vers l’économie des ressources ; 4) rechercher l’équilibre entre performance et convivialité ; 5) relocaliser sans perdre les bons effets d’échelle ; 6) démachiniser les services ; et 7) savoir rester modeste.
« RESET – quel numérique voulons-nous? » est un projet sur lequel nous travaillons à la Fing depuis l’été 2018. Nous avons rédigé une première version des fiches défis (travail qui est loin d’être exhaustif, que ce soit pour la liste des défis mais aussi le contenu des fiches) et mis en ligne un formulaire pour avoir quelques contributions avant le lancement officiel. Les questions portaient sur les défis (sur quels sujets le numérique a-t-il besoin d’un RESET, d’une remise à zéro, d’une réorientation profonde ? Qu’est-ce qui ne peut plus durer ?), sur des visions (quelles directions devrions-nous explorer pour résoudre ces défis?) et sur les initiatives existantes (projets, réseaux, actions, … qui proposent des voies différentes). Un atelier en région PACA nous avait également permis d’obtenir des contributions complémentaires.
Des projets ambitieux auxquels participer, des rencontres enrichissantes pour vos collaborateurs, des thématiques porteuses de sens.
Questionner et construire le numérique de demain.
La Fing s’est créée dans le contexte d’un numérique émergent. Elle agit aujourd’hui dans un monde traversé par le numérique. Ses premiers complices ont été, et sont toujours, les défricheurs du numérique : ceux qui voient dans ces dispositifs un ensemble de chances et de potentiels. Son prisme est d’abord celui des usages, et plus précisément de la négociation entre les usagers et les propositions techniques, économiques, organisationnelles ou politiques que le numérique leur propose. Ainsi avons-nous emmené dans nos travaux de nombreux chercheurs, des investisseurs publics et privés, des acteurs associatifs, territoriaux, des entreprises porteuses d’innovation mais aussi d’usages. Dans le contexte actuel, plutôt qu’un numérique aveuglément dominateur, nous continuons d’insister sur la proximité, les liens sociaux, la confiance, la maîtrise collective.
Dans un numérique massifié, il est nécessaire de questionner les promesses non tenues et les difficultés rencontrées : la Fing propose une exploration critique de la transition numérique dans tous ses aspects, et jusqu’à un RESET, une réinvention. Ce grand chantier de 2019 mobilise beaucoup d’acteurs avec nous, mais aussi tous nos travaux communs de ces dernières années – et la richesse de notre média InternetActu. Il s’agit de transition écologique, de mutations du travail et des organisations, d’inclusion, de démocratie; mais aussi de nos relations aux systèmes techniques, aux algorithmes et aux IA, aux données, aux plateformes, à la dématérialisation, à la smart city.
Ces questionnements ne sont pas hors sol, ils sont utiles à la conception et à l’innovation : la Fing porte et accompagne en 2019 un ensemble de travaux pour et avec les innovateurs, leurs commanditaires, leurs financeurs, leurs écosystèmes. Le self data territorial creuse la piste fertile des données personnelles territorialisées au service d’objectifs communs et personnels. Le référentiel innovation facteur 4 nourrit les riches perspectives des projets à fort impact environnemental. L’expédition Interlabs engage un travail prospectif avec les responsables de labs publics et privés, sur leur proposition de valeur pour les années qui viennent. L’expédition Hypervoix se confronte à la puissance des nouvelles interfaces, notamment vocales, et à ses potentiels indésirables ou très souhaitables. Le CapacityLab traduit nos travaux de recherche sur l’inclusion en travaux appliqués sur la conception d’un numérique capacitant.
Nos complices et partenaires d’aujourd’hui sont, aussi, ceux qui cherchent à introduire du sens dans la transformation numérique de leurs métiers et de leurs organisations. Avec eux nous produisons des ressources, des kits, des méthodes d’appropriation, des principes d’action.
Anticipation et appropriation : nos travaux sont collectifs, ils produisent des communs, ils cherchent et trouvent des coproducteurs, des contributeurs, des cofinanceurs. Adhérez à la Fing, participez à nos projets, imaginez avec nous un numérique adapté aux générations futures, au monde de demain.
Onze acteurs du numérique, au sens large, se sont engagés à participer, par leurs actions, à l’émergence d’un numérique « choisi », dont nous pourrons être fiers, en signant notre tribune « Réinventer le numérique », parue dans le Monde le 26 janvier.
Si vous voulez comprendre le processus qui a mené du Web créé par Tim Berners-Lee (et co-développé avec Robert Cailliau), qui se voulait ouvert, libre et collaboratif, au Web d’aujourd’hui (centralisé autour de quelques grandes plateformes qui ont basé leur modèle économique sur les publicités et les données personnelles des utilisateurs, qui les enferment dans des bulles de filtres, qui propagent des fake news, …), l’article du NewYork Magazine « The Internet Apologizes » est celui qu’il faut lire en premier. Entrecoupé de citations des « architectes » du Web, ayant travaillé pour les plus grandes plateformes et/ou entreprises technologiques (Jaron Lanier, Ellen Pao, Tristan Harris, …), il retrace les 15 étapes qui ont mené au monde d’aujourd’hui et finit avec les 7 inventions qui ont ruiné Internet (les cookies, le tri algorithmique, le bouton « j’aime », le rafraichissement à l’infini de la page grâce au scroll – la barre de défilement -, …). Voilà donc les 15 étapes.
Le bureau éditorial du New York Times a publié il y a quelques semaines un article intitulé « Il pourrait y avoir bientôt trois Internets. L’Américain ne sera pas forcément le meilleur », faisant allusion à la façon dont les questions de protection de la vie privée, sécurité et liberté sur le Web sont traitées différemment selon si on se place du point de vue de l’Europe, des États-Unis ou de la Chine.
Cet été, dans un entretien à Vanity Fair, Tim Berners-Lee, l’inventeur du web, expliquait combien il était dévasté par ce qu’était devenue son invention : « Nous avons démontré que le Web avait échoué au lieu d’être au service de l’humanité, comme il était censé l’avoir fait, et a échoué dans de nombreux endroits. [La centralisation croissante du Web] a fini par produire – sans action délibérée des personnes qui ont conçu la plateforme – un phénomène émergent à grande échelle qui est anti-humain. (…) L’esprit était très décentralisé. L’individu était incroyablement mis en capacité. Tout était basé sur le fait qu’il n’y avait pas d’autorité centrale à laquelle vous deviez demander l’autorisation. Nous avons perdu ce sentiment de contrôle individuel, cette responsabilisation.«