De quel numérique la crise est-elle le nom ?

Point d’étape de l’expédition Numérique tous risques

Appréhender complètement les effets transformateurs du numérique nécessite une lecture par l’usage. Certaines technologies médiatisées depuis longtemps sont dans les faits lentement appropriées. Le cas du télétravail est emblématique ; la nécessité de nouvelles organisations du travail croisée avec l’urgence du confinement a fait tomber les dernières préventions des managers et de leurs collaborateurs.

Cette collusion entre perspective et impératif illustre bien en quoi le numérique peut être allié de la crise, mais cela questionne aussi sa résilience lorsqu’un système d’information est dépendant des technologies numériques ; les incendies australiens ont pointé cette fragilité des réseaux numériques.

La crise, vecteur de transformation

La Fing étant au contact des acteurs territoriaux depuis sa création il y a 20 ans et impliquée dans les travaux portant sur l’appropriation du numérique dans la société, le besoin de scénariser des situations mobilisant le numérique apparaît comme un atout pour appréhender autrement les crises.

Mais il serait erroné de produire avant tout une lecture “solutionniste” du numérique, à savoir faire un catalogue de solutions techniques, certaines étant déjà déployées par les professionnels confrontés aux crises et catastrophes.
La dimension transformatrice du numérique nous semble autrement plus enrichissante quand on questionne les enjeux de gouvernance, de partage de l’information et d’implication des différentes parties prenantes d’une crise. Parties prenantes qui désormais investissent l’espace public dématérialisé.

Explorer le potentiel et les limites du numérique

L’expédition engagée par la Fing propose donc d’appréhender le numérique autant dans son caractère facilitant que fragilisant. Pour cela nous mobilisons plusieurs thèmes d’exploration :

  • La question des données : savoir concevoir, produire, partager des jeux de données, autrement dit maîtriser la “data literacy”, devient un sujet majeur dont on constate la nécessité quand il faut par exemple élaborer  en urgence des cartographies ;
  • La question de la capacitation : la société civile, dont les acteurs sont désormais utilisateurs d’outils de communication puissants, deviennent vecteurs de communs et nous poussent à penser les capacités de chacun de manière horizontale ;
  • La question des métiers : les professionnels qu’ils soient directement ou indirectement concernés par une crise sont impactés à grande échelle, il est nécessaire d’anticiper comment cela transforme les métiers et les organisations, notamment via les nouveaux usages des outils numériques ;
  • La question de la gouvernance : les canaux d’information et les circuits de décision sont questionnés dans la “société en réseau”, la logique de flux l’emporte sur le stock. Cela appelle à une refonte des processus pour que la légitimité des décisionnaires demeure dans un jeu d’acteurs mobilisés plus ouvert.

Scénariser les usages

Les mises en perspective des chercheurs sont utiles pour anticiper, mieux préparer ; la dynamique des Connecteurs Recherche engagée avec notre partenaire CNFPT* a déjà permis des dialogues riches avec de nombreux dirigeants territoriaux. Retrouvez la présentation du premier et du deuxième Connecteur qui ont eu lieu les 20 mai et 3 juillet derniers.

Croisé avec le travail de veille mené par la Fing, un premier livrable précisera les enjeux et synthétisera des retours d’expériences.

Ensuite un travail d’enquête et d’ateliers prospectifs permettra de structurer des processus ad-hoc, en collaboration avec des partenaires “terrain”, telle que la Métropole de Rouen. Sur les rapports de force en jeu derrière les risques et les catastrophes, voir l’article d’InternetActu : « Gouverner l’ingouvernable ? ».

La note d’intention de l’expédition a été clarifiée et mise à jour en fonction des premières pistes d’analyse, n’hésitez pas à la parcourir sur la page Numérique tous risques pour en savoir plus !

Imaginer un numérique facilitateur dans les phases critiques nous impose de porter un regard sans concession. Il doit demeurer au service du public et poser, sur des bases claires pour tous, les conditions de notre apprentissage des crises.  

Article co-écrit par Denis Pansu et Juliette Grossmann


*CNFPT (Centre National de la Fonction Publique Territoriale)