L’innovation numérique au service du lien social

 

Compte-rendu de cette journée du 1er octobre 2009 à Nantes.

Dans le cadre de la dynamique d’animation régionale mise en place avec le soutien de la Région Pays de la Loire et la participation de nombreux acteurs publics, privés et associatifs depuis 2008, la Fing a organisé le 1er octobre 2009 un forum régional qui vise à mobiliser les acteurs de l’innovation numérique au service des besoins sociaux les plus significatifs, et à faire converger leurs efforts avec ceux des acteurs de l’innovation sociale.

Les interventions de la journée

Jacques-François Marchandise

La société de l’information fonctionne aujourd’hui à deux vitesses. A un extrême, les innovateurs les plus avancés déploient une grande ingéniosité pour tirer le meilleur parti des technologies, et le rythme de l’innovation en France est désormais soutenu. A l’autre extrême, une part significative de la population a de l’internet une pratique limitée ou inexistante, et compte tenu de la généralisation des TIC, cette situation engendre, pour les non-internautes ou les usagers en difficulté, un fort préjudice socio-économique, dans leur vie privée ou professionnelle. Les efforts de rattrapage qui sont conduits confrontent ces publics, très divers, à l’internet foisonnant et complexe d’aujourd’hui, ou parfois à l’internet fruste et ingrat d’hier. Le risque est élevé de voir les efforts diverger : d’un côté, une innovation toujours plus intense; de l’autre, notamment par le biais des EPN et de leurs animateurs, un travail sans fin pour éviter le décrochage.

Et si le travail prioritaire de la R&D et de l’innovation était, précisément, d’aller davantage vers les usagers ? Et si telle était la nouvelle frontière des TIC, mobilisant le meilleur de ses forces vives ? Qu’il s’agisse d’interfaces utilisateur, de moteurs de recherche et d’outils sémantiques, d’efforts sur les réseaux, les services, les formats ou la pédagogie, les champs d’innovation foisonnent. Il faut pour cela que des passerelles soient établies entre des acteurs qui n’ont pas l’habitude d’avoir les mêmes priorités ni de parler le même langage : innovateurs sociaux, bailleurs HLM, fournisseurs d’accès, ingénieurs, designers, linguistes, médiateurs, enseignants,…

En Pays de la Loire, plusieurs éléments sont réunis pour qu’un tel chantier s’engage : une communauté TIC et multimédia vigoureuse, une relance de la politique de médiation de l’accès à internet, un ensemble significatif d’universités et grandes écoles avec une bonne capacité de recherche et de projets, des acteurs publics mobilisés, l’existence de quelques initiatives marquantes.


Cécile Thomas, Association Médiagraph

Créée en 1996, l’association Médiagraph propose, sur l’agglomération nantaise, d’initier et de former aux nouvelles technologies tous les publics qui en sont éloignés voire exclus.
Médiagraph considère que ces nouvelles technologies sont, non seulement, indispensables à la lutte contre les inégalités (accès aux savoirs, à la culture, aux droits, à la citoyenneté, à l’emploi) mais aussi un levier essentiel pour renforcer le partage et la transmission des connaissances, le rapprochement entre les générations et les capacités d’expression.
L’association permet, par son ancrage dans le champ économique, de créer et de pérenniser des emplois.


Diane Faidy, Sublimago

En alliant service – produit – interface, le projet Sublimago proposee de nouveaux usages en matière d’échanges pour les personnes en maintien à domicile. Les objectifs étant de les impliquer dans la vie sociale d’un territoire, de leur permettre de renforcer leurs liens sociaux afin de sortir de l’isolement. Le projet se distingue actuellement par son approche, centrée utilisateur, permettant de comprendre les besoins réels des seniors en maintien à domicile. Il s’agit d’innover en terme d’usage et non en terme de technologie, c’est dans cette optique que Sublimago souhaite se greffer sur un produit existant, l’intégrant pleinement dans un service et offrant une interface adaptée.


Laurent Neyssenssas, Ecole de Design de Nantes

Laurent Neyssenssas est enseignant à l’école de Design de Nantes. Lorsque l’on parle de l’internet on parle de lien social, l’internet permet de communiquer avec des gens, échanger, etc. Mais les choses sont assez mal faites, c’est difficile et compliqué, la place du design est intéressante pour faciliter les appropriations. Le travail de designers d’interface est compliqué, il faut expliquer autant aux industriels qu’au public pourquoi il est nécessaire. Qu’est ce que l’interactivité, et le design de service ? Cela sert a simplifier les choses en centrant sur l’utilisateur, qu’est ce qu’il se passe entre l’utilisateur et la machine ? Aujourd’hui les objets sont mal conçus et le social passe en dernier. Dans le design on observe l’utilisation par l’usage, les étudiants doivent penser autrement les relations entre les gens. Le métier de designer numérique est d’être l’interface humaine entre le marketing, l’ingénieur et le sociologue. Ce mélange peut produire des échanges fructueux.


Damien Tassin, Faire au quotidien l’économie sociale et solidaire

Le projet Faire au quotidien l’économie sociale et solidaire est un blog collaboratif composé d’acteurs différents concernant la mutualisation des savoirs . Le blog est centré sur des solutions concrètes et des échanges de bonnes pratiques relatives à la gouvernance. Espace de valorisation et de mutualisation à un niveau régional. Il valorise les solutions pertinentes des pratiques professionnelles sur la gouvernance en favorisant la rencontre d’acteurs différents qui partagent des mêmes préoccupations pour confronter leurs pratiques. La confrontation des pratiques les échanges reposent sur des savoirs expérientiels faiblement pris en compte articulant TIC et présence sur un même territoire


Jean-Michel Cornu, Directeur Scientifique de la Fing

Comprendre comment nous pensons pour dépasser nos limites à la coopération
Les sciences cognitives nous apprennent que si pour penser nous utilisons notre mémoire à court terme, nous avons alors non pas un mais au moins deux modes de pensée.

Le premier mode de pensée fait appel à la « boucle phonologique » qui permet d’enchaîner des concepts en série par exemple lors de la construction de discours hypothético-déductifs. Mais cette mémoire à court terme est limitée à 3 notions. Les animaux utilisent différents langages (sonores, dansés…) mais restent limités dans leur capacité à construire un discours. L’homme au contraire a développé un vocabulaire symbolique qui est transmis culturellement dès le plus jeune âge et qu’il conserve dans sa mémoire à long terme. Ainsi, il lui est possible d’alimenter en continu sa boucle phonologique au fur et à mesure de la construction de la pensée et de construire un discours par l’ajout sans limite de nouvelles déductions à chaque étape de son discours. Cette pensée « rationnelle » nous a apporté non seulement un mode de communication très sophistiqué avec nos congénères mais également a permis le développement de notre intelligence.

Mais ce premier mode de pensée à des limites. La construction d’un discours est par nature linéaire (la boucle phonologie travaille en série dans le temps). Tout se passe comme si nous choisissions à chaque étape la prochaine étape d’un parcours. Nous ne pouvons pas prendre plusieurs chemins à la fois. Même si nous pouvons revenir en arrière pour essayer un nouvel embranchement, nous sommes limités dans le nombre d’essai possible sans se perdre. Cela a des conséquences sur notre limite à penser de cette façon : nous ne pouvons pas facilement explorer tous les cheminements possibles et conservons donc notre propre « fil de pensée » tant que celui-ci n’est pas réfuté, ou plus exactement tant que nous n’acceptons pas cette réfutation. Mais il existe de nombreux domaines, comme le débat philosophique ou politique, où il n’y a pas un seul cheminement possible entre des postulats et une conclusion (comme c’est *parfois* le cas en mathématiques). Cela est particulièrement crucial dans un domaine particulier : le conflit d’intérêt. Chacun suit alors son propre cheminement. Il n’est alors possible avec ce premier mode de pensée que de gagner ou de perdre face à l’autre (la loi du plus fort, éventuellement améliorée par Sun Zu ou Machiavel pour en faire la loi du plus habile). Il est cependant également possible faire un « compromis » ne prenant que partiellement en compte chacun des deux « points de vue ».

Les cartes heuristiques sont particulièrement utiles pour penser dans ce sens aussi bien individuellement que collectivement (bien que la plupart soit plus adaptées à une vision arborescente où deux concepts hérités d’une idée qui leur sert de source, sont rarement reliés entre eux). Mais il nous faut aller plus loin en construisant des plans de territoires que nous conserverons en détail dans notre mémoire à long terme. Cela peut être des cartes qui nous servent pour penser individuellement comme celle de notre maison ou de notre environnement, ou bien d’autres cartes que nous partageons avec nos semblables pour construire du débat. Nous pourrons alors nous appuyer sur ces plans pour y conserver l’ensemble des éléments sur lesquels nous voulons construire de la pensée, tout comme nous nous appuyons sur notre vocabulaire symbolique – qui lui a bien été mémorisé depuis tout jeune dans notre mémoire à long terme – pour construire nos chemins de pensée, étape par étape, sous la forme de discours.

Il serait intéressant de construire des cartes communes faciles à mémoriser pour chacun. Il faut cependant sûrement éviter la tentation d’utiliser le plan d’un territoire connu (par exemple la carte des pays dans le monde) pour éviter d’associer des concepts auxquels on associe des valeurs – bonnes ou mauvaises – à des parties « habitées » de ce territoire.


François Daures, Parenco

Parenco est projet de site web communautaire pour les parents de la métropole nantaise, une plateforme qui permettra aux parents de se rencontrer, de trouver des informations sur les différentes initiatives locales liées à l’enfance (clubs de sport, spectacles, manifestations, services de garde…), de créer du contenu en ligne (tests produits, études de marché, articles d »informations, médias vidéo ou autre), de créer des groupes d’intérêts communs, de créer et de participer à des évènements… Parenco permettra également aux professionnels de l’enfance de disposer d’un espace privilégié pour rentrer en contact avec des parents et mener des actions commerciales, évènementielles ou informatives. L’équipe de Parenco souhaite enfin intégrer les collectivités locales, les structures publiques (PMI, crèches…) et les associations liées à l’enfance à cet espace communautaire.


Jean-Paul Coche, Groupe de retraite Ag2r la Mondiale

Dans le cadre de la politique sociale du groupe sur le numérique, Ag2r la Mondiale s’est aperçu que les retraités sont assez loin du numérique. En 2004 c’est pas exemple moins de 10% de personnes équipées. Il y a eu projet de sensibilisation des plus de 75 ans avec l’association Médiagraph. L’idée était d’offrir une formation sur le numérique et la microinformatique. Il y a eu un forte demande. Plus d’une centaine de réponse pour assister à la formation. Jean-Paul Coche pense à une formation de tuteur bénévole, avec des outils adaptés. Il y a un réel soucis de développer les usages pour les personnes âgées, c’est une réponse à la solitude par exemple pour développer du lien social.


Amandine Brugière, Programme Plus Longue la Vie, de la Fing

Amandine Brugière a présenté des pistes de services, sous forme de scénario d’usage, décrivant de nouvelles manières de vivre ensemble dans une société de la longévité et du numérique…
Favoriser l’entraide de proximité, la mutualisation des actions entre voisins, la solidarité entre les âges ; veiller à une organisation des services plus respectueuses des moments de vie de chacun ; se donner de nouveaux cadres d’actions pour « bien-vieillir » sur les territoires… Telles sont les pistes creusées dans le cadre de ces scénarios d’usage.

Se sentir utile, se trouver de nouvelles activités, participer à la vie sociale et être inséré dans des projets de vie qui concernent tous les âges et qui valorisent le talent et l’humanité de chacun, accueillir chez soi et rencontrer de nouvelles personnes près de chez soi… autant de facteurs qui participent au bien-être dans son quartier. Le scénario LA PLACE DE MARCHE est un réseau d’animation de quartier, d’échanges et de partage d’activités, appuyé par le potentiel des TIC. Il est un prolongement virtuel du maillage associatif existant et un réseau de mise en relation des habitants, mettant sur le même canal de communication différentes formes d’engagements citoyens. Ce dispositif est basé sur l’intégration et la participation de tous selon son temps, ses moyens, son savoir faire. Chacun devient ainsi bénéficiaire et offreur de services.

Continuer à sortir de chez soi, à faire ses courses, à mener des activités extérieures, est directement corrélé aux possibilités et capacités de mobilités. Ce scénario, mettant en scène un opérateur de transports fictif NAUE, présente des solutions simples et efficaces mêlant transport à la demande par une offre de vélo-taxi (CYCLONAUTES) ; transport collectif partagé (co-voiturage, NAUTILUS) ; respect des temporalités de chacun et des conditions d’accessibilité pour tous (plateforme de mise en relation, assistance téléphonique, écran tactile d’informations) ; développement de l’accès aux lieux et événements culturels.


Corinne Barbat, WISSE Réseau Social

Le projet Wisse encore en gestation, est une plate-forme collaborative basée sur un réseau social dédié aux acteurs de l’Economie Sociale et Solidaire. Le Wisse offrira dès la première année aux visiteurs l’accès à un réseau social, à une base de connaissances (retours d’expériences) et une véritable boîte à outils (blogs, wikis, forums, vidéo cast, liens utiles,. Ces services seront complétés par une cartographie des acteurs, un espace d’appels à projet, une veille des bonnes pratiques, un centre ressources, un agenda, une cartographie de l’intelligence grise (observatoire des pratiques émergentes).


Charles Nepote, directeur du programme Identités actives de la Fing

Conclusion de cette journée, et ouverture de pistes.

En savoir plus
Quelques participants font le bilan de ce forum dédié au rapport entre TIC et lien social.
Ils nous livrent leurs impressions, et parlent des suites à donner au débat.
Consultez leurs restitutions vidéos :